Je vais rarement au cinéma : seulement pour partager une histoire qui change ou pour voir certains acteurs fétiches. « La vie d’Adèle » de part sa bande annonce et son genre anti-blockbuster, ne pouvait échapper à ma curiosité, un besoin fort, inévitable. Récompensé, ce fut une expérience extraordinaire.

Le film du controversé Abdellatif Kechiche avec Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux dure 3 heures… mais on est instantanément pris dans l’histoire. Une ado se cherche niveau sexualité, son attirance pour les filles sera une évidence malgré les difficultés et les autres. Le film ne pouvait pas mieux tombé après tous ces débats haineux sur l’homosexualité… il fait du bien ! L’affiche :

D’emblée, j’ai été saisi par ce parti pris de filmer l’héroïne en gros plan. Il nous est proposé tout au long de l’intrigue, des plans rapprochés du visage d’Adèle, sous tous les angles possibles. Certains ne sont pas flatteurs malgré tout son charme (scène de repas ou de pleurs avec nez qui coule). J’y vois une envie de vérité sur notre vie, pas toujours propre ou esthétique. Sa bouche zoomée évoque le désir, ses dents reflètent ses divers appétits, puis son visage nous montre une fille complexe, perdue, timide, nonchalante, triste. Un regard qui varie, de multiples expressions, jolis yeux… de quoi crever l’écran.



Aspects de ces plans rapprochés, décrits dans le dernier Cahiers du cinéma

Le film nous révèle le talent immense d’Adèle Exarchopoulos, qui dégage une facilité, une voix particulière et un charisme incroyable. Elle a tout pour elle !

Léa Seydoux est exceptionnelle en garçon manqué, teinte sur nos impressions

Pour ce qui est de l’histoire, je préfère ne pas trop en dire. Il y a des moments d’anthologie, joués avec une justesse incroyable, par des actrices que je connaissais pas. Par rapport au personnage d’Emma et de son milieu, il y a des passages culturels, intellectuels, avec des références littéraires et des réflexions qui donnent des parties surprenantes mais très intéressantes (avec Marivaux par ex.). Une opposition au monde d’Adèle qui est plus simple, naturel, lunaire, moins réfléchi. Léa Seydoux apporte une lucidité, une interprétation solide et une dureté qui tranche avec la candeur d’Adèle.

Adèle Exarchopoulos joue un rôle de composition, mais est très crédible, passant du rire aux larmes avec exactitude. Son personnage est amené à connaître le trouble et les questionnements. Puis elle franchit le pas avec hésitation d’abord, puis avec fougue ensuite, telle une ogre jamais rassasiée de sa partenaire. On vit les différents stades d’une relation, les bons et les pires moments. Il y a des scènes déchirantes : une grande colère chez elles, puis dans un restaurant. J’ai été bouleversé par ce grand désespoir, cette infinie tristesse, ces pleurs et ce chagrin immenses, joués avec les tripes… Hyper émouvant, le spectateur est en empathie totale, comme rarement.

Il y a de jolies et sensuelles scènes de baisers, dont on pourrait rêver être le bénéficiaire ! Pour du cinéma conventionnel, il y a quand même des scènes de sexes non simulées, crues et torrides, dont une durant 7 minutes ! Une scène d’amour « viscérale et organique » des mots d’Adèle même. Je l’ai trouvé fascinante, émoustillante, pertinente et gênante aussi avec le monde autour. On croirait basculer dans un autre genre de cinéma. Ces scènes sont plus puissantes en salle, avec l’amplification de ces souffles charnels et intimes, marquant… Le film est interdit aux – de 17 ans aux USA, on peut comprendre, car il ne faut pas venir avec des enfants. Entre ces moments et les scènes de colères, on peut se douter que cela n’a pas été de tout repos à jouer.

Des regards expressifs, dignes d’actrices hors du commun

Ce film est très réaliste par ses décors, gestes, et actions du quotidien. La réalité rejoint parfois la fiction, Adèle & Jérémie Laheurte (le petit ami du début de film) sont ensemble dans la vie. Pas étonnant au vu de la force du tournage atypique et de l’intensité des émotions. Un tournage difficile ? Je préfère seulement parler du film, loin des polémiques gâchant tout. Interview :
Un film vivement recommandé sur l’amour entre être du même sexe, l’irrémédiable attirance, les déconvenues d’une passion qui bascule, le regards des autres. Je suis très difficile en cinéma mais j’achèterai ce film en Blu-ray, pour retrouver l’univers particulier de ce chef d’œuvre. J’espère des bonus, car il y a eu beaucoup de scènes coupées. Très peu de défauts : quelques longueurs sur le métier d’éducatrice en maternelle, et une présence un peu trop importante de la cigarette et de l’alcool. Sinon, j’ai tout apprécié !
Cannes, jouant le jeu des photographes & rappelant l’amour des personnages

La Palme d’or méritée du 66ème Festival de Cannes, édition 2013

On attend de voir comment vont évoluer ces actrices, espérant qu’elles gardent la tête froide et qu’elles fassent les bons choix. Étoile culottée !
